540 millions d'années...
Pour comprendre l'histoire des constructions fougeraises, il faut commencer... par le début. Sylvain Blais, géologue qui a enseigné à l'université Rennes I et qui
grandi place du Théâtre, raconte.
« Entre 660 et 540 millions d'années, une partie du massif armoricain a vu l'existence de phénomènes aboutissant à la formation d'une chaîne de montagne :
la « chaîne cadomienne ». Cette chaîne, qui devait culminer à environ 4 000 mètres, a donné naissance à des masses granitiques qui, en remontant lentement dans ses entrailles, se sont
refroidies, chauffant, cuisant les sédiments environnants. Le granite local connu sous le nom de « granite de Louvigné-du-Désert » a ainsi cuit les schistes voisins, les transformant en une
roche compacte, plus dure qu'une corne, la « cornéenne ». »
Deux pierres
Située à un carrefour géologique, Fougères a longtemps utilisé, pour construire ces édifices, ces deux matériaux mis à nu par l'érosion, le granite et de la
cornéenne.
« La cornéenne est une pierre de couleur sombre, très hétérogène. On la retrouve dans le beffroi, le château... Le granite, en revanche, est beaucoup plus
clair. Principalement constitué de quartz, de mica et de feldspath, le granite de Louvigné contient aussi beaucoup de corps étrangers (qui font comme des tâches dans la roche,
N.D.L.R.) » détaille le géologue, pour qui « l'identité de Fougères est liée à son sol. Depuis toujours, les hommes se sont servi dans les ressources locales pour
fabriquer leurs bâtiments. »
Des exceptions
Il en existe. La preuve, le théâtre, calqué sur celui d'Angers, est en tuffeau ! Car si granite et cornéenne dominent sur la plupart des façades du centre
historique, d'autres matériaux s'observent dans des constructions plus récentes.
« Dès l'arrivée du train, à la fin du XIXe siècle, on a été cherché des
matériaux plus loin. Vitré n'était plus qu'à une heure trente de trajet : le calcaire d'Anjou ou les ardoises ont ainsi pu être livrés à Fougères » précise Jean Hérisset.
Cet historien local a coécrit, avec Sylvain Blais et Jacques Bouffette, également géologue, « Prome-nade géologique à Fougères », dont la parution est prévue pour
novembre.
Tout est dans le détail
La promenade du 8 octobre s'attardera sur de nombreux petits détails insolites. Rue Nationale par exemple, Sylvain Blais fait remarquer l'existence de curieux
signes, gravés dans la roche. Des formes géométriques, des lettres, des chiffres... « Les ouvriers, qui étaient payés à la tâche, marquaient leur pierre d'un petit signe. Si problème il
y avait, on savait qui était le responsable ! » précisent Sylvain Blais et Jean Hérisset. Autre curiosité, la façade de l'église Saint-Léonard, dont la partie droite est faite de
granite blond, et la gauche de granite plus clair. « Une partie du mur a été édifiée au XVIe siècle. À
l'époque, l'extraction du granite se faisait en surface. Mais au XIXe siècle, quand on a construit l'autre
partie, les moyens techniques avaient changé. Du coup, le granite était extrait en profondeur, et plus clair... » révèle Jean Hérisset.