Fait divers
Il fait froid,
Il fait nuit.
Allongé sur ma litière,
Dans la tiédeur de l’étable,
Je rumine.
La porte s’ouvre
Laissant passer le froid
Et un couple,
Accompagné d’un âne
Qui porte leurs affaires.
Des migrants
Qui fuient leur pays.
La ville toute proche
En est envahie
Depuis quelques temps.
La bête aussitôt dételée
Se précipite sur mon râtelier
Et mange avidement.
Réfugié sans-gêne
Qui profite de l’autochtone.
Le couple étende de la paille.
La femme se couche
Sur ce lit de fortune.
Elle attend un enfant.
Dans la nuit,
Un cri.
Un enfant est né.
Au petit matin
Un homme entre dans l’étable,
Appareil photo en bandoulière.
Un journaliste.
Il regarde la pauvre famille
Et prend une photo.
Pardessus son épaule,
Je regarde le cliché :
Un bébé, allongé sur la paille
Entouré de ses parents,
D’un âne
Et de mon auguste personne,
Un bœuf.
Il repart aussitôt
Ecrire son article.
Maigre nouvelle
Qui ne fera pas la « Une »,
Un simple « fait divers ».
Le "Printemps de l'insertion professionnelle" Fougères 2016
Les deux copines :
« Ne te retourne pas, il y a un type qui nous regarde.
Le photographe :
« Elle est vraiment belle cette lampe. Je vais la prendre en photo…..
Mais qu’est-ce qu’elles font les deux gourdasses à me reluquer comme ça ?
Elles se mettent devant….. Tant pis…. Je ne vais pas rester là à attendre qu’elles soient parties, je prends la photo….. J’en extrairai la lampe…..
Ca y est, elle est dans la boîte….. Je me tire.»
1000 ans d'histoire de la Bretagne en 10 minutes
Lettre écrite de Clarens (canton de Vaud) le 26 septembre 1885.
Compagnons,
Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n'est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l'exercice du droit de suffrage.
Le délai que vous m'accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j'ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.
Voter, c'est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c'est renoncer à sa propre souveraineté. Qu'il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d'une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu'ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.
Voter, c'est être dupe ; c'est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d'une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l'échenillage des arbres à l'extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l'immensité de la tâche. L'histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.
Voter c'est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l'honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l'homme change avec lui. Aujourd'hui, le candidat s'incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L'ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu'il était avant d'avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n'apprend-il pas à courber l'échine quand le banquier daigne l'inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l'honneur de l'entretenir dans les antichambres ? L'atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s'ils en sortent corrompus.
N'abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d'autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d'action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c'est manquer de vaillance.
Je vous salue de tout cœur, compagnons .
Élisée Reclus.